Il suffit ici d’acheter une table à repasser dans une boutique de quartier pour engager une conversation passionnante avec le commerçant. Scène typique depuis mon arrivée au Liban : tout le monde vous propose de l’aide, vous présente un ami, un cousin qui peut vous trouver un appartement, vous faire visiter son village ou vous inviter à boire un verre chez lui.
Si la convivialité est donc de rigueur chez tous les libanais que nous avons pu rencontrer jusqu’ici, des points restent tout de même assez mystérieux. Comment est-il possible, dans un pays si ouvert et si accueillant, de trouver de tels tensions entre les communautés ?
Je discutais avec le commerçant au sujet de cette convivialité qu’on ne connait hélas que trop peu en France. Il m’a alors demandé au passage, si j’étais chrétien ou non. Répondant par l’affirmative, il acquiesce et me dit qu’alors à Furn-el-chebbak, je n’aurais que des amis. Il m’a alors fait comprendre très peu subtilement qu’il en serait autrement si j’avais été d’une autre confession. La discussion à ce sujet s’est alors engagée tout naturellement (chose rare ici, le sujet demeurant très tabou).
La religion est ici omniprésente, elle enveloppe une société organisée en quartiers, en familles. Ce commerçant me disait très simplement qu’il ne s’agit plus aujourd’hui de haine ou de remords, mais que compte tenu de l’histoire fratricide du pays et des conflits qui ont habité ces quartiers, le “chacun chez soi” était devenu une habitude. “Nous ne mélangeons pas”.
Si vous venez nous voir au Liban, vous ne manquerez pas ces signes religieux. Chaque voiture arbore un poisson à l’arrière, le chapelet ou le misbaha sur le rétroviseur : les signes religieux ostentatoires sont ici la règle, non l’exception. Dans la rue, ce sont de petites chapelles dressées un peu partout en l’honneur de St. Charbel ou de Marie, avec des bougies allumées en permanence ! Entre l’imposante mosquée El-Omari et les cathédrales chrétiennes règne une atmosphère religieuse très particulière.
Bien plus qu’un élément spirituel, la religion est ici un facteur identitaire fondamental que personne ne penserais occulter ! Ici, notre laïcité française n’a plus aucun sens, ou du moins, n’est pas admise. Par exemple, il n’existe pas ici de code civil régi par l’Etat : le droit du mariage, du divorce, des successions relèvent des autorités religieuses.
Mon commerçant m’a dit : “En France, il y a des chrétiens, des musulmans, des juifs, et ça marche. Ici, c’est la guerre tout le temps ! Pourquoi ? ”
Je n’ai pas su quoi répondre…
Pierre-Etienne
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